Sir Winston Churchill, le héros de la Seconde Guerre Mondiale s’était déjà illustré lors du premier conflit planétaire. Il était alors ministre de l’Armement chargé notamment du ravitaillement en munition par la voie maritime. Au début du conflit, les deux camps se rendent coup pour coup sur terre mais aussi en mer. France, Royaume-Uni et Russie sont engagés dans une bataille mortelle contre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’empire Ottoman. Dans les capitales européennes, on spécule sur l’entrée en guerre des américains auprès des leurs alliés européens. L’Amérique est devenu la première puissance mondiale et son soutien ferait le bonheur des alliés. Les États-Unis ont cependant choisi de rester neutre dans le conflit même s’ils fournissent secrètement des armes à l’Angleterre. Les allemands ont, eux, lancé les premiers et mythiques U-Boote qui feront tant de ravages durant les deux guerres. A Berlin, l’empereur Guillaume II sait que la neutralité des Américains ne durera pas éternellement et veut se débarrasser au plus vite des Britanniques pour éviter une alliance militaire entre les deux pays. Les U-Boot évitent ainsi de froisser les Etats-Unis en concentrant le feu sur les navires anglais.
A Londres, les intentions ne sont pas les mêmes. On sait que l’entrée en guerre des Etats-Unis est indispensable pour se sortir des premières tranchées qui commencent à se creuser sur le continent. Le Lusitania, qui continue de transporter des passagers à travers l’Atlantique, va servir de prétexte pour engager l’Amérique. Et un homme bien connu va jouer, déjà à cette époque, un rôle déterminant. Il s’agit de Winston Churchill. Dans les années 1910, il est ministre de l’Armement et s’occupe notamment du ravitaillement en munition par la mer. Dans ses mémoires sur la Seconde Guerre Mondiale, il évoque un parallèle entre l’attaque japonaise contre Pearl Harbor et une remarque que lui avait fait 30 ans plus tôt le ministre des Affaires Etrangères britannique Edward Grey : « Les Etats-Unis sont comme une gigantesque bouilloire. Une fois que le feu est allumé dessous, il n’y plus aucune limite à la puissance qu’elle peut générer». Dans son livre « Dead Wake », le journaliste du New York Times évoque ainsi le rôle de Churchill dans le torpillage allemand du Lusitania, non pas par son action mais par son inaction.
Dès son départ de New York le 1er mai 1915, le Lusitania semblait déjà destiné à un sort funeste. Pour économiser du charbon, la plupart de ses chaudières sont inactives et ce paquebot très rapide et capable de semer des sous-marins, devient un lent navire sans protection, si ce n’est celle de la marine britannique. « Supposez qu’ils coulent le Lusitania avec des Américains à bord » questionne alors le roi britannique George V au conseiller spécial du président des Etats-Unis. « Un feu d’indignation traverserait alors l’Amérique et nous entrainerait probablement dans la guerre » lui répondit son interlocuteur.
Le 7 mai 1915, le U-Boot 20 rencontre le Lusitania au large de l’Irlande. Il ne lui reste qu’une seule torpille et elle percute le paquebot. La marine britannique n’est jamais intervenue ni même signalé au capitaine la présence d’un danger. Les Britanniques ferment les yeux. Au cœur du navire, les munitions prennent feu provoquant, à la surprise des Allemands, une seconde explosion, bien plus importante. C’est celle-ci qui fera couler le bateau et ses 1198 passagers. Les assaillants affirment respecter le droit de la guerre puisque des armes transitaient secrètement à son bord. Le Royaume-Uni dément et il faudra attendre l’ouverture des archives en 1972 pour confirmer que les Allemands étaient dans leur bon droit.
Mais la poudre s’étend jusqu’aux Etats-Unis où la mort des 128 ressortissants va créer un électrochoc. Les Allemands vont tout tenter pour éviter l’intervention américaine : le commandant du U-Boot est sanctionné et la guerre sous-marine s’interrompt en août 1915. Ce répit va permettre aux armes de transiter facilement par l’Atlantique, tandis que les immigrés européens aux Etats-Unis réclament désormais une intervention. En janvier 1917, la guerre s’éternise et l’Allemagne n’a pas d’autre choix que mettre fin à ces voyages incessants. L’ordre est donné de couler tous les navires. En avril 1917, le président américain Woodrow Wilson déclare la guerre à l’Allemagne. Sur les murs des villes américaines, l’appel à la mobilisation s’accompagne d’un large titre rouge écarlate : « Souvenez-vous du Lusitania !».