Est-ce que la solution est bel et bien dans les archives ? Est-ce que l’on peut espérer y trouver des aveux ou des demi-vérités accréditant notre thèse ? Churchill a eu cette phrase troublante dans ses mémoires mais est-ce qu’elle ne se rapporte pas à des faits contenus dans les cartons d’archives de la Seconde Guerre Mondiale, en Angleterre comme aux Etat-Unis ? Ou plutôt formulons les choses autrement, est-ce que Churchill se serait fendu de ce demi-aveu si les indices et les preuves étaient introuvables ? S’il savait que personne, jamais, ne pourrait prouver que le convoi SL 125 avait été sacrifié… aurait-il eu besoin d’y faire allusion ? Par honnêteté ? Par souci de la vérité historique ? Difficile à croire tant Churchill a masqué d’autres faits dans le récit qu’il a fait de sa vie d’homme d’état.
Cette enquête nous emmènera en différents lieux de la planète mais les recherches en archives se feront surtout à Londres et Washington. Dans la capitale américaine, nous fouinerons aux Archives Nationales, sur Pennsylvannia Avenue, où sont conservés les documents déclassifiés des services secrets américains. Nous y chercherons les indices, lettres, messages codés se rapportant aux évènements de la fin 1942. À New York, nous nous rendrons à la Roosevelt Library, près de Hyde Park. Les carnets et notes de l’ancien président sont accessibles au public. 79 cartons au total ! Disponibles également les notes du général Clarck qui négocia secrètement le débarquement des troupes américaines avec les responsables de la résistance française en Afrique du Nord. Est-il question dans ces documents du convoi SL-125 ? Si oui, que pourrons-nous apprendre ? Sinon… pourquoi ?
Nous nous rendrons bien sûr à Londres où reposent peut-être quelques grands secrets. En différents lieux de la capitale britannique, nous fouillerons les archives du SOE (« Direction des opérations spéciales »), du War Office (« Ancien Ministère de la Défense ») et du « Secret Intelligence Service », à Millbank sur les bords de la Tamise. A cette dernière adresse, les documents du fameux MI6 (services d’espionnage extérieur) pourraient bien nous apporter des informations inédites sur la tactique adoptée en octobre 1942. Nous interrogerons notamment le directeur des archives du War Office, successeur de Stephen Wentworth Roskill, historien officiel de la Royal Navy et adepte de la thèse du « convoi sacrifié ».
Un des premiers dossiers d’archives qu’il nous faudra retrouver et éplucher, si nous en avons l’autorisation, sera celui du commandement des convois SL. Curieusement, ces opérations étaient coordonnées par un état-major naval installé à bord du navire « Union-Castle Edinburgh Castle ». Les installations et le mouillage à terre n’étaient en effet pas adaptées et durant toute la guerre, c’est du bord de ce vieux paquebot que seront coordonnés les convois SL. Où sont donc les archives de l’Edinburgh Castle ?
Ce n’est pas dans la capitale britannique que nous espérons faire les plus belles découvertes mais plutôt dans le centre du pays. Nous essaierons en effet d’obtenir les autorisations nécessaires pour accéder au mythique domaine de Bletchley Park rendu célèbre par le film Imitation Game (2014). Centre névralgique du déchiffrement des messages allemands et japonais pendant toute la Seconde Guerre mondiale, Bletchley Park abrite dans ses archives les millions de messages échangés par les troupes de l’Axe lors du conflit. Ces archives, jusqu’à aujourd’hui secrètes, occupent 8 salles complètes. Les fiches où étaient notés les messages interceptés sont toujours enfermées dans des cartons. Et outre ces 2 à 3 millions de fiches, Bletchley Park stocke des documents de toutes sortes, notamment ceux envoyés par les espions alliés. Plans de sous-marins, positions des troupes de l’Africakorps ou encore données relatives à l’organisation de l’armée allemande, des milliers de documents historiques dorment à Bletchley Park…
Il nous faudra également éplucher les nombreux secrets de la « London Controlling Section »(en abrégé LCS, en français « Section de Direction de Londres »), organisation britannique ultra-secrète qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, fut chargée de la conception des plans stratégiques de mystification et de la coordination de leur exécution (batailles, raids, coups de commando…). La LCS étaient dirigée conjointement par les responsables du MI6, du MI5, du comité XX, du PWE, services de renseignements des trois armes. Elle fut créée par Winston Churchill en avril 1941 et son existence ne fût officiellement reconnue qu’en 1969. Peut-être devrons nous aller consulter les archives ou interroger les familles de ses membres dont ses chefs (Oliver Stanley, chef de la LCS jusqu’en juin 1942 et le Lieutenant-Colonel John Henry Bevan, MC, chef de la LCS à partir de juin 1942).
Dans son ouvrage « La Guerre des magiciens – L’intoxication alliée 1939-1944 », Jean Deuve explique que « C’est Churchill, mû par son expérience passée, son goût prononcé pour tout ce qui est non- conformiste et sa vive imagination, qui concrétise la LCS et la met sur les rails en lui donnant comme premiers chefs des amis personnels. Il se cessera jamais de s’intéresser de très près à la LCS. Il lui fournira des idées et participera lui-même à ses subterfuges ».