La guerre se gagne sur les champs de bataille mais la victoire se construit d’abord sur le front de l’information ou de la désinformation. Il ne serait pas étonnant d’apprendre que le SL 125 ait servi de leurre pendant l’opération Torch. Depuis l’Antiquité, l’histoire mondiale des conflits regorge de ce type de feintes et en octobre 1942, les alliés n’en étaient pas à leur coup d’essai. L’article suivant paru dans le National Geographic détaille les multiples stratégies et astuces développées par les alliés tout au long du conflit.
Depuis son QG de Gibraltar, Eisenhower avait entièrement piloté l’opération Torch et on peut imaginer qu’il n’avait rien laissé au hasard. Dans l’article, on apprend pourtant que « Le Général américain Eisenhower, chargé de planifier le Débarquement, avait été impressionné par la rapidité de la réplique allemande lors de celui en Afrique du Nord en novembre 1942 ».
Il a été surpris par la réaction allemande après le débarquement mais qu’avait-il bien pu penser de la traversée sans encombre de l’Atlantique ? N’était-elle pas plus étonnante encore ? Est-il normal de ne s’étonner de la réaction allemande qu’après le 8 novembre alors que la menace était bien plus grande lors des semaines précédentes ? C’est normal… si l’on sait avec certitude que le convoi SL 125 a envoyé les U-Boote sur une fausse-piste ! Les mémoires des différents acteurs de l’opération Torch (1) démontrent bien d’ailleurs que les nazis n’ont appris l’arrivée des navires de Torch que lorsque ceux-ci ont franchi le détroit de Gibraltar (officiellement neutres durant le conflit, les officiels espagnols ne manquaient pas en effet d’informer leurs amis allemands). À cet instant, les chefs du IIIe Reich ne croient d’ailleurs toujours pas à un débarquement en Afrique du Nord. La Gestapo et les renseignements militaires allemands sont en effet convaincus que la destination de ce convoi est Malte. Leur jugement se fonde alors sur le nombre d’articles parus dans la presse britannique sur la « pauvre, souffrante et courageuse Malte » et sur la nécessité de réapprovisionner l’île. Or ces articles avaient tout simplement été commandés par l’état-major anglais pour tromper une fois encore les agents allemands…
Si l’on se soucie de faire publier des articles pour aiguiller le jugement des nazis quand à la destination finale de l’armada de Torch, ne doit-on pas avoir tout calculé et guidé l’ennemi de la même manière pour la traversée de l’Atlantique ?
Le convoi SL 125 n’est pas mentionné dans les mémoires d’Eisenhower ou de ses collaborateurs comme il n’est pas non plus évoqué dans cet article du National Geographic mais il pourrait bien n’avoir été qu’un des nombreux pièges imaginés par le commandement allié, un des joyaux du fameux « collier de pierres précieuses » cher à Churchill (cf. Article« 22 – Les oublis d’un bestseller »). Un piège qui a d’ailleurs très bien fonctionné mais qui a fait de nombreuses victimes. N’est-ce pas la seule raison pour laquelle les autorités alliées n’ont jamais reconnu que les navires et passagers de ce convoi avaient été sacrifiés ?
Il est clair que le débarquement de novembre 1942 a par ailleurs servi de répétition pour celui de juin 44. Pour sécuriser l’Opération Overlord, les alliés ont alors mis en place l’Opération Bodyguard, véritable chef-d’oeuvre de désinformation. Comme il est précisé dans l’article, celle-ci tirait son nom d’une autre réflexion de Churchill selon qui la vérité en temps de guerre devrait toujours être « assistée par un garde du corps des mensonges ».
- cf. Mémoires du général Eisenhower, de son adjoint le général Clark etde Robert Murphy, représentant personnel de Roosevelt à Alger.