À la veille de l’opération Torch, pour les alliés, une question très importante se pose. Quelle sera l’attitude des différents camps français face à une éventuelle intervention en Afrique du Nord ? Il faut un général acceptable pour diriger l’entrée en guerre du côté français mais le président Roosevelt soupçonne chez de Gaulle des tendances dictatoriales. Il espère en outre que les dirigeants de Vichy pourraient reprendre la guerre contre l’Allemagne à la première occasion. C’est donc finalement Giraud qui a la faveur des Américains. Admirateur de Pétain et du régime de la Révolution nationale, ces derniers le préfèrent à de Gaulle dont le jugement et les méthodes sont considérées peu fiables. Contacté par un envoyé américain, Giraud accepte de participer à l’opération. L’OSS, le service secret américain, prend alors contact avec la résistance française en Afrique du Nord mais la consigne est donnée de ne pas en parler aux réseaux gaullistes. Des accords sont officiellement signés au cours d’une rencontre clandestine tenue dans la ferme de Sitgès près de Cherchell dans la nuit du 21 au 22 octobre 1942.
Au lendemain du débarquement, De Gaulle fait bonne figure en prononçant un discours à la gloire des alliés, non sans s’attribuer un certain mérite dans cette aventure : « Nos alliés américains sont à la tête de cette entreprise. Le moment est très bien choisi. En effet, après une victoire écrasante, nos alliés britanniques, secondés par les troupes françaises, viennent de chasser d’Egypte Allemands et Italiens et pénètrent en Cyrénaïque (…) Partout, l’ennemi chancelle et fléchit. Français de l’Afrique du Nord, si, par vous, nous rentrons en ligne d’un bout à l’autre de la Méditerranée, voilà la guerre gagnée grâce à la France ! ».
Dans les faits, selon son secrétaire particulier que nous avions interviewé en 2014, M. Crémieux-Brilhac, le général De Gaulle serait entré dans une colère noire au petit matin du 8 novembre 1942 lorsqu’il apprît que des troupes alliées avaient débarqué sur les côtes de l’Algérie et du Maroc. Vexé de n’avoir pas été informé et qu’on lui eût préféré le général Giraud. Est-ce que De Gaulle a par la suite été informé de tous les détails de l’opération et notamment du sacrifice du convoi SL 125 ? C’est une autre histoire. S’il l’a su, qu’a-t-il pensé du sacrifice des 260 marins français qui ont coulé avec le Doumer ? Nul ne peut dire à ce jour si le général a eu vent de la thèse du convoi sacrifié…